1prit la parole et dit : 2Ecoutez, écoutez mon discours, Et donnez-moi cette consolation ! 3Supportez-moi ; que je parle à mon tour ; Quand j'aurai parlé, tu pourras te moquer. 4Est-ce des hommes que je me plains ? Pourquoi donc la patience ne m'échapperait-elle pas ? 5Tournez-vous vers moi et soyez stupéfaits ; Mettez la main sur la bouche. 6Quand j'y pense, je suis épouvanté ; Et un tremblement saisit ma chair. 7Comment se fait-il que les méchants vivent, Arrivent à un âge avancé et croissent même en puissance ? 8Leur postérité est établie devant eux, auprès d'eux, Et leurs descendants sous leurs yeux. 9Leurs maisons sont en paix, à l'abri de la crainte, La verge de Dieu n'est pas sur eux ; 10Leurs taureaux sont toujours féconds, Leurs vaches mettent bas et n'avortent pas. 11Comme un troupeau, leurs enfants sortent de chez eux Et prennent leurs ébats. 12Ils chantent au son de la cymbale et de la harpe, Ils se réjouissent au son de la flûte. 13Ils passent leurs jours dans le bonheur ; Ils descendent en un clin d'œil au séjour des morts. 14Et cependant ils disaient à Dieu : Retire-toi de nous ; Nous ne nous soucions pas de connaître tes voies. 15Qu'est-ce que le Puissant, que nous le servions ? Que gagnerions-nous à nous approcher de lui ? 16Pourtant ce n'est pas eux qui faisaient leur bonheur... Loin de moi le conseil des méchants ! 17Arrive-t-il souvent que la lampe des méchants s'éteigne, Que le malheur fonde sur eux, Que Dieu leur donne leur lot dans sa colère, 18Qu'ils soient comme la paille que chasse le vent, Comme la balle qu'emporte la tempête ? 19Dieu réserve le malheur pour ses fils !... C'est lui-même qu'il devrait punir, pour qu'il le sentit, 20Que ses propres yeux vissent sa ruine, Et qu'il fût abreuvé de la colère du Puissant ! 21Car que lui importe le sort de sa maison après lui, Quand le nombre de ses mois est accompli ? 22Enseignera-t-on la science à Dieu, Lui qui juge les esprits célestes ? 23Tel meurt en pleine prospérité, Parfaitement calme et tranquille. 24Ses seaux sont pleins de lait, La moelle de ses os est remplie de sève. 25Tel autre meurt l'âme affligée, Sans avoir goûté le bonheur. 26L'un comme l'autre s'étend sur la poussière, Les vers les recouvrent. 27Voyez ! Je connais vos pensées, Les jugements que vous portez méchamment sur moi ; 28Car vous dites : Où est la maison de l'homme violent ? Où est la tente qu'habitent les méchants ? 29N'avez-vous pas consulté les voyageurs ? N'en croirez-vous pas leurs récits, 30Qu'au jour du malheur, le méchant est épargné, Et qu'au jour de la colère, il échappe ? 31Qui est ce qui lui reproche en face sa conduite ? Qui est-ce qui lui rend selon ce qu'il a fait ? 32On l'accompagne au sépulcre, Il veille encore sur sa tombe. 33Les mottes de la vallée lui sont légères ; Tous les hommes suivent ses traces, Et il a eu de nombreux devanciers. 34Comment donc m'offrez-vous d'aussi vaines consolations ? Il ne reste de vos réponses que fausseté.