1prit la parole et dit : 2Assurément, je sais qu'il en est ainsi ; Et comment un homme serait-il juste devant Dieu ? 3S'il lui plaisait de plaider contre Dieu, Il ne lui répondrait pas sur un point entre mille. 4Il est sage en son entendement et puissant en force ; Qui l'a bravé et s'en est retiré sain et sauf ? 5Il bouleverse les montagnes à l'improviste ; Il les renverse dans sa colère. 6Il ébranle la terre sur ses bases, Et ses colonnes tremblent. 7Il parle au soleil, et il ne se lève pas, Il met un sceau sur les étoiles. 8Il étend les cieux, lui seul, Il marche sur les hauteurs de la mer. 9Il crée la Grande Ourse, Orion, les Pléiades, Et les régions reculées du Midi. 10Il fait des merveilles insondables, Des prodiges sans nombre. 11Voici, il passe devant moi sans que je le voie ; Près de moi, sans que je l'aperçoive. 12Voici, il emporte une proie ; qui le fera revenir ? Qui lui dira : Que fais-tu ? 13Dieu ne retire pas sa colère ; Sous lui se sont courbés les auxiliaires de Rahab ; 14Et moi, j'oserais lui répondre ? Je choisirais mes paroles en sa présence ? 15Si même j'avais raison, je ne répondrais pas, J'implorerais la clémence de mon juge. 16Si même je l'appelais et qu'il me répondit, Je ne croirais pas qu'il voulût entendre ma voix, 17Lui qui fond sur moi dans un tourbillon, Et multiplie mes blessures sans cause ; 18Qui ne me laisse pas reprendre haleine, Tant il me rassasie d'amertume ! 19S'il s'agit de force, me voici ! S'il s'agit de droit, qui m'assignera ? 20Si même j'avais raison, ma bouche me condamnerait ; Si même j'étais innocent, il me ferait passer pour coupable. 21Innocent, je le suis ! Je ne fais nul cas de ma vie ; Je méprise l'existence. 22C'est tout un ! C'est pourquoi je le dis : Il fait périr, également l'innocent et le coupable. 23Si un fléau produit une mortalité soudaine, Il se rit du désespoir, des innocents. 24La terre est livrée au pouvoir des méchants ; Il voile la face de ceux qui la jugent. Si ce n'est pas lui, qui est-ce donc ? 25Mes jours se sont enfuis plus vite qu'un courrier ; Ils ont passé sans voir le bonheur. 26Ils ont glissé comme des nacelles de jonc, Comme un aigle qui fond sur sa proie. 27Si je dis : Je veux oublier ma plainte, Je veux laisser là ma figure triste et paraître joyeux, 28Je tremble devant toutes mes douleurs ; Je sais que tu ne m'acquitteras pas. 29Je suis condamné d'avance ; Pourquoi donc me tourmenterais-je en vain ? 30Quand je me laverais avec de la neige, Que je nettoierais mes mains avec du savon, 31Alors même tu me plongerais dans la fange, Et mes habits me prendraient en horreur. 32Car il n'est pas un homme comme moi, que je puisse lui répondre, Et que nous puissions aller ensemble en jugement. 33Il n'y a pas entre nous d'arbitre Qui pose sa main sur nous deux. 34Qu'il retire sa verge de dessus moi, Que sa terreur ne m'épouvante plus ! 35Alors je parlerai sans le craindre, Car je ne me sens pas coupable.